Je m’en venais fleurir d’un gros bouquet d’orties
La tombe d’un huissier que la mort a saisi
Et je trouve assise, les os sur un tombeau,
La camarde abattue s’appuyant sur sa faux.
Pour rompre la glace je lui dis gentiment,
Vous avez mon amie, tête d’enterrement.
Oui me confie-elle, mon beau métier n’est plus
Ce qu’il était jadis, je me sens comme exclue.
Pourquoi ne voit-on plus, belles épidémies,
Sachant bien voyager en grandes pandémies.
La peste a disparu, ce depuis fort longtemps,
Alors qu’elle usinait un beau lot de mourants.
Même le choléra qui m’apportait beaucoup,
Devient la maladie travaillant par à-coups.
Mais ce qui me fait mal, c’est la vaccination
Qui tue le bel essor qu’avait ma profession.
Où donc sont allées ces joyeuses batailles
Qui me servaient des morts en de belles ripailles ?
Les grands conflits mondiaux et leurs longs échafauds
D’où je ne cessais plus de donner de la faux.
Tout ça est remplacé par des chamailleries,
Histoires de bon Dieu à petites tueries.
Si c’est pas malheureux, au siècle que voilà,
Qu’un carnage Rwandais se fasse au coutelas !
Pour couronner le tout, voilà bien que les vieux,
Repoussent le moment de grimper dans les cieux.
Ils veulent se raidir enroulés dans les draps,
Seulement en croquant un cachet de viagra.
Voilà venu pour moi une morte saison,
Les convois funèbres ne sont plus à foison.
L’hécatombe n’est plus ce qu’elle était jadis,
Je suis la victime d’un très lourd préjudice.
Voyant bien que la mort n’avait plus le moral
J’ai alors prononcé ces paroles cordiales.
Vous voyez tout en noir, mais il faut espérer
Car l’homme est astucieux et va vite créer
De belles maladies, à effets foudroyants,
Doublées de guerres pour tuer les pauvres gens.
Et mon discours toucha la camarde en plein cœur,
Qui repartit avec sur sa faux une fleur.