Sans frapper à mon huis tu pousses le battant,
Puis tu franchis le seuil avec maigre bagage,
Le visage marqué par ton si long voyage
Où tu passas la mer sur un radeau flottant.
Approche du foyer, viens sécher tes guenilles,
Viens mordre dans ce pain que l’on dit abondant,
Qui remplit tant de maies dans le vieil Occident
Et se trouve aux repas de toutes nos familles.
Ce pain, vois-tu, provient du blé de la moisson
Que je fis dans le champ que me légua mon père ;
Héritage d’aïeux, mes seuls points de repère
Apportant à ma vie une belle leçon.
Le temps ne fut qu’ouvrage au fil de la lignée
Pour défricher la terre, en tirer le sillon,
Faire danser la faux, mettre le touraillon,
Repousser la forêt du bout de la cognée ;
Bâtir une chaumière aux murs de plâtre blanc,
Tracer dans la vallée, à l’ombre des platanes,
Une route poudreuse où marchent les gitanes ;
Princesses dans le port, au regard noir, troublant.
Ainsi tout fut créé de la main de ces hommes,
Des étangs scintillants dans les chaleurs d’été
Aux lois et règlements de la société
Pour faire que l’on soit ce qu’aujourd’hui nous sommes.
Il a fallu des rois, la révolution,
Des têtes raccourcies et les pleurs de nos mères
Pour générer enfin des bonheurs éphémères
Auxquels il faut verser sa contribution.
Les anciens ont dressé l’église pierre à pierre
Par la foi, qui pour eux, peuplait tous les instants.
Puis sont allés dormir pour les siècles restants,
Le devoir accompli, dans le vieux cimetière.
Nous portons l’héritage apporté par le temps
Composé d’une langue et des us et coutumes ;
Quelques pages de gloire et bien des amertumes
Pour les nombreux hivers, les si peu de printemps.
Tu veux, mon pauvre ami, terminer ton errance,
Prendre place au terroir pour en faire le tien.
Je t’accorde le gîte et t’offre mon soutien
Si tu viens pour aimer mon doux pays de France.