Sur le trottoir graisseux inondé de soleil
J’ai vu se redresser une forme bizarre.
C’était un Africain s’étirant au réveil
En offrant aux quidams une face barbare.
Il était colossal comme un guerrier nubien ;
Un de ceux qui s’en vont le pied nu sur la piste
Traquer leur ennemi : le farouche Egyptien,
Le pillard du désert, l’éternel belliciste.
Le clochard se dressa et fit sur un réchaud
Une tambouille immonde aux relents exotiques
Qu’il avala d’un trait, ne trouvant rien trop chaud,
Avant que d’éructer des rots charivariques.
Je le vis rassembler ses impédimenta
Au fond d’un vieux chariot fait de bois et de rouille
Et, sachant qu’il était persona non grata,
Ébranler son bazar le sérieux à la bouille.
En passant près de moi je sus dans son regard
Qu’il se sentait ici rescapé d’un naufrage
Ayant tout englouti en le laissant hagard
Dans son rêve d’hier transformé en mirage.
Il alla droit et fier, lui le Dahoméen,
En guidant son fatras comme une caravane,
L’œil ailleurs, loin des lieux pour un Européen,
Sur un sentier rougeâtre au fond d’une savane.