Après avoir tiré dessus
Mon tonton a cassé sa pipe
Et revêtu le pardessus
De bois qui jamais ne se fripe.
Dans un costume de corbeau
Je viens gémir quand on l’enterre
En remplissant de pleurs un seau
Avant d’aller chez le notaire.
Assis devant le tabellion
J’attends de savoir l’inventaire
En rêvant d’or et de million
Étant l’unique légataire
Et d’une voix sans émotion
Voici ce que lit le notaire :
« Une maison, un potager
Mais les deux étaient en viager
Un poulailler et quatre poules
Un cochonnet avec deux boules
Un tombereau de haricots
Et quelques arriérés fiscaux
Des vêtements dans une armoire
Autant percés qu’une écumoire
Un verre à pied vide à moitié
Où se repose un vieux dentier
Un chien pelé et sa gamelle
Un coupe-frites à manivelle
Pour ce qui est de son magot
Son compte en banque est à zéro
Et pour finir mes écritures
Huit-cents euros sur ma facture. »
Car par chez nous il est d’usage
Pour qu’un défunt soit sans remords
En s’en allant parmi les morts
Qu’il nous transmette un héritage.
Après avoir prié l’bon Dieu
Durant sa vie de religieuse
Tantine a fait d’un coup adieu
Au bras de la grande faucheuse.
Dans un costume de corbeau
Je viens gémir quand on l’enterre
En remplissant de pleurs un seau
Avant d’aller chez le notaire.
Assis devant le tabellion
J’attends de savoir l’inventaire
En rêvant d’or et de million
Étant l’unique légataire
Et d’une voix sans émotion
Voici ce que lit le notaire :
« Un crucifix bien saugrenu
Avec le Christ tout à fait nu ;
Un vieux missel où des images
Montrent en fiesta les trois rois mages
Et le curé de Camaret
Portant, rieur, que son béret ;
Un matelas, une bouillote
Et une paire de menottes ;
L’œuvre de Sade en galuchat
Et quatre boules de geisha ;
Une aube en soie et sa cornette
Un tablier blanc de soubrette
Quant à son or et ses deniers
C’est pour son couvent régulier
Et pour finir mes écritures
Huit-cents euros sur ma facture. »
Car par chez nous il est d’usage
Pour qu’un défunt soit sans remords
En s’en allant parmi les morts
Qu’il nous transmette un héritage.
Quand viendra l’heure où il faudra
Que je quitte ma descendance
Emmailloté dans un grand drap
Pour ma dernière résidence.
Mes héritiers ne courez pas,
Suite à vos pleurs de circonstance,
Sus à un legs ou majorat
Sous une corne d’abondance.
Car par chez moi il est d’usage
De n’emporter aucun remords
En s’en allant parmi les morts
D’avoir croqué tout l’héritage.