La comtoise lançait, en tenant la cadence,
Son maigre balancier marquant l'instant venu
De figer le futur, le présent et l'enfance
En martelant le temps d'un tic-tac ingénu.
Sur la blancheur du drap se mourait le grand-père,
Ce passeur de mémoire aux souvenirs lointains
Qui portait sur ses chairs les traces en repère
Du sablier filtrant les lustres de ses grains.
De la pièce voisine il perçut le ramage
De ceux qu'il appelait : « ses chers petits sabots »,
Qui venaient remplacer sa souche à l'abattage
Comme font au verger les noyaux d'abricots.
Son regard fatigué consulta son épouse
Pour savoir si vraiment il avait adouci
Ce long hymen passé moins en robe qu'en blouse
Et reçut en retour un sourire en merci.
Les senteurs du jardin passèrent la fenêtre
Pour répandre un adieu d'un bouquet délicat
Et le remercier pour l'endroit de bien-être,
Duquel elles étaient l'enivrant résultat.
De ses doigts tremblotants il caressa la toile
Du lit qui renfermait de tendres souvenirs.
Il se souvint des soirs où s'y levait la voile
Pour voguer sur Cythère en quête de soupirs.
Quand sonna la comtoise, il sentit dans sa bouche
Monter un goût de terre aux relents de charnier,
Puis pressentant la mort au-dessus de sa couche
Il comprit que son souffle était le tout dernier.