Le monument est là posé sur son assise
En Dieu dominateur sur les anciens vassaux,
Il étire ses murs à l'épure concise,
Aux stigmates profonds témoignant des assauts.
Un pont-levis de bois mène à la barbacane
Où le vent garde encor les cris des assaillants
Et la sonorité du Diable qui ricane
D'avoir fait en ce lieu périr tant de vaillants.
La herse a revêtu son brun manteau de rouille
Et se tient à l'affut au fond du logement
Prête à se libérer du cran qui la verrouille
Pour barrer de son fer le moindre forcement.
La cour de vieux pavés rend le son des poulaines
Trottant pour le départ des fiers chevaliers
Vers l'Orient lointain et d'autres châtelaines
Rêvant dans les harems à de beaux chameliers.
Sur le chemin de ronde, une ombre sentinelle
Veille sur le repos des remparts lézardés
En scrutant l'horizon à la vue éternelle,
Exposant l'échiquier de ses terrains fardés.
Un arôme de lys flotte sur la courtine
Dont la pierre a gardé l'odorant souvenir
D'une dame guettant, fidèle palatine,
Le retour du croisé qu'on ne put retenir.
Le donjon fissuré qui touche les nuages
Protège dans son corps l'âme d'un grand seigneur,
Et l'aquilon qui sait respecter les usages
Chante entre les meneaux un hymne en son honneur.